Cahiers de doléances: 2 - quelques thèmes centraux (en construction)

 

 

 

Les cahiers de doléances :
quelques thèmes abordés

    Ce qui suit a été
soustrait au chapitre4 de notre ouvrage…Celui-ci, on l’aura remarqué c’est
surtout concentré sur la dynamique des doléances et sur la manière dont l’événement  à contribué à construire ou a solidifier une
opinion publique rurale à partir de thématiques qui furent perçues dans bien
des villages d’une manière nouvelle : la dénonciation des maux aux roi
devait trouver la solution puisque Versailles serait informé ; l’absence
de solution désignerait l’existence d’ »ennemis publics » paralysant
l’action du roi dans le souci de continuer à prospérer des abus. Ces ennemis ce
sont évidemment ceux que l’on qualifie déjà d’aristocrates.

      Les thèmes que nous
développons ici visent à analyser plus en profondeur ces revendications et à
montrer aussi leur actualié  

 

1-Le
Roi et la dette

      Le genre du cahier est d’abord la doléance, c'est-à-dire la  formulation revendicative telle que
l’appelle  la formulation de la lettre du
Roi. Peut-être n’est-il pas inutile de revenir sur ses termes. : est-ce une
pure affaire de forme que le ton sur lequel 
elle futt rédigé  d’autant   qu’elle 
fit probablement seule l’objet d’une lecture systématique, les consignes
d’organisation étant l’affaire du juge et de quelques notables. Elle nous
paraît, par sa sollicitude et la grande aménité de son ton,  même si ceux-ci relèvent aussi d’un genre
littéraire, expliquer, pour une part non négligeable, le regard de tendresse
filiale que les cahiers portent sur le roi Louis XVI lorsqu’il justifie la
consultation qui s’organise pour que « chacun
fût assuré de faire parvenir jusqu’à elle ses vœux et ses réclamations.
Sa Majesté, car, souligne la lettre,

elle  ne peut atteindre que par son amour à cette
partie de ses peuples que l’étendue de son royaume et l’appareil du trône
semble l’éloigner d’elle et qui, hors de portée de son regard se fie néanmoins
à la protection de sa justice et aux soins prévoyants de sa bonté[1]
.Vocabulaire de circonstance ? Après tout, en juillet 1788 , Louis XVI

avait aussi affirmé dès le 6 juillet« C’est
au milieu de mes peuples que je veux 
consommer le grand ouvrage que j’ai entrepris ».
Et  les auditeurs 

étant ce qu’ils étaient en mars 1789, au moins sa lecture au prône fut
elle de nature  à contribuer à
formaliser  ces sentiments filiaux que
l’on  a 
relevés ensuite  dans les cahiers.
On pourrait paraphraser ce qu’on qualifierait 
aujourd’hui de belle opération de communication qui coïncide si bien
avec l’image du bon roi Louis XVI : C’est le souverain qui ouvre son cœur,
qui devient directement proche et .Voici que tombent tous les écrans entre le
Roi et son peuple .Le voici écoutant : à chacun de livrer ses justes
plaintes. Cette désintermédiation royale 
a été bien comprise. A côté du concert de louanges qu’elle a suscitées
et que des villages comme Sensenac 
illustrent par un flot de louanges (il est vrai que le culte de la
personnalité a depuis fait beaucoup mieux !) mais aussi des discours comme
celui de Douzillac dont le long extrait que nous citons apparaît comme l’exacte
réponse aux propos royaux « Les
habitants de la paroisse de Douzillac,  la seule voie qui pourrait leur en (des
remèdes) procurer, la bonté de leur monarque leur étant fermée soit par
l’interposition des grands qui seuls ont accès jusqu’à ce jour auprès du
prince, soit par l’opposition de leurs intérêts à ceux du Tiers état (ordre où
les dits habitants se trouvent classés), soit par leur prépondérance
perpétuelle dans les affaires de la Cour ou quoique soit du royaume, soit enfin
par les distractions qui ont détourné nos princes de la grande faveur que notre
bon Roi répand aujourd’hui sur ses peuples  ».
C’est un retour à l’âge

d’or qu’un cahier nontronnais présente comme« ces jours heureux où par le meilleur des rois le plus faible va cesser
d’être la victime du plus fort 
«  
et où « la nature et l’humanité vont reprendre leurs
droits »
. C’est le temps biblique où seront séchées toutes larmes. Dés

lors l’écriture des doléances, même dans les cahiers qui se veulent retenus et
s’en tenir à des formules plus juridiques, devient, selon la formule d’Agonac,
celle des habitants assemblés : ,
désirant répondre autant qu’il est en leur pouvoir aux bontés dont SM leur
donne une marque si éclatante et leur permettant de faire entendre leurs voix
et leurs réclamations et à la confiance dont elle les honore en les invitant à
lui proposer les moyens qu’ils croient les plus propres va réparer et prévenir
les désordres et abus qui se sont glissés tant dans l’administration des
finances que de l’exercice de la justice, proposent avec soumission et respect
les articles suivants.

       Mais le grand espoir
soulevé a aussi sa force  révolutionnaire  et elle prépare le
scénario tel que désormais le roi informé, tout élément de la situation qui
perdurera ne pourra être l’œuvre que des aristocrates qui l’en empêchent ou des
ministres qui détournent la volonté royale. La fameuse fable du roi montrant le
roi  sabot  agenouillé dans une modeste église de
campagne qui devait se répandre en février 1790 est tout entière contenue dans
cette vision . A moins qu’il ne s’agisse pour ceux qui ne seraient pas aptes à
pareille idéalisation de construire par avance les leviers de la contestation
politique du souverain lui-même.

b

      En contre-point de
l’image idéale du roi apparaît celle de la dette. Elle est le révélateur de
tous les maux de Versailles : dépenses inconsidérées et exemptions
fiscales des plus riches ; incapacité voire prévarication des
ministres ; organisation catastrophique des impôts qui permet la
corruption des fermiers généraux et celle plus intolérables des huissiers aux
tailles qui s’attirent un torrent de propos haineux. Elle permet à ceux qui
tiennent des propos élogieux sur le roi de critiquer de haut en bas le système
et de justifier Etats généraux et provinciaux. Les formules fusent pour aboutir
au même constat que  ces abus sont
la manifestation du paradoxe dramatique qui n’a cessé de s’amplifier :
l’existence d’un peuple misérable dans un Etat riche.

      Et de la Cour à la
province peut ainsi se construire le discours antinobiliaire. Il trouve en
Périgord, dans la question de la  dette
un aliment fort substantiel et un des leviers essentiels de la contestation de
l’Ancien Régime.

 

2-L’omniprésence
de la question de la rente et la référence Virideau

    Mais plus que les abus
du système fiscal dont ils entrevoient les remèdes, les cahiers s’en prennent à
ceux du système seigneurial alors même que c’est un représentant de celui-ci,
le juge qui  préside l’assemblée.

    Y M Bercé a montré  combien non seulement en France mais dans une
bonne partie de l’Europe ils finissaient par constituer un insupportable sujet
d’exaspération. On a le sentiment qu’à l’égal des moines (qui en sont souvent
bénéficiaires) il s’agit là une insupportable forme d’inutilité qui ronge la
société. Et on surtout le sentiment que le refus n’a cessé d’évoluer  au cours du siècle. 
La question des litiges que soulevait, entre rentiers et redevables,
l’ensemble de la perception des droits seigneuriaux  et de la dîme au XVIII° siècle  est mesurable dans son ampleur et son
évolution dans les archives judiciaires. L’exemple de Bergerac[2]
montre que, après le   tournant  du deuxième quart du siècle ( 1728 à 1758),
où près de 8O affaires  et les multiples
condamnations au paiement  arrérages de
plusieurs années et jusqu’à 29 ans, les procès 
mettent à la fois en évidence l’importance des refus et  la capacité de défense des rentiers, dans un
climat de  contestation croissante.
Faut-il s’interroger sur le fait que, payées en nature les rentes profitaient
de la progression du produit en quantité et en valeur ? On sait combien ce
débat a interessé les historiens, notamment marxistes, sur les mutations du
statut économique et social du système seigneurial. Deux choses restent claire
dans l’exhibition des preuves par ce qu’on appelle les terriers .La
première souligne  la consistance de ce
type de prélèvement d’une part qui dément l’idée   que ces 
charge  soient  devenues symboliques ; on est frappé
d’autre part par est le fait que les terriers produits remontent pour  la majeure partie à la fin de la Guerre de
Cent Ans.   . Rien de bien étonnant à
cela quand on sait l’ampleur des phénomènes d’abandon et de désertification qui
ont marqué  cette période. A partir des
années 1760, les mêmes archives mettent au contraire en exergue les questions
de reconnaissances de terriers et les débats qu’elles soulèvent :face à la
menace paysanne, on a multiplié les recours aux feudistes, latinistes ou
arpenteurs. Mais ce qu’on pourra qualifier tantôt de « réaction
féodale » ou tantôt de réflexe défensif n’a fait probablement  qu’alimenter la suspicion  surtout lorsqu’elle « transformaient la
rente féodale en une nouveauté agressive »selon l’expression d’YM Bercé.

      Or à la veille de la révolution un fait
divers qui prit une ampleur considérable , l’affaire Virideau , donna une  dynamique nouvelle à la contestation de la
rente. Il est tout aussi révélateur de voir comment les manants s’en saisirent
que la difficulté qu’éprouva l’administration à établir une riposte. C’est
pourquoi cette question trouva aussi de multiples échos dans les cahiers de
doléances.

 

 

     Cette affaire méritera  une analyse plus approfondie.  Bornons nous, dans l’immédiat, à évoquer les
remous qu’elle avait provoqués en 1788, en pleine affaire du grand baillage où
le périgourdin , Jean Augustin Mandavy, conseiller à la  Cour des aides, avait dans une lettre au
ministre signalé    le sieur
Virideau, qui se prétend possesseur d’une quantité prodigieuse de titres
relatifs à la majeure partie des tenures féodales du Périgord et du
Limousin, »
La

crise des édits de mai aggravait encore l’affaire lui assurant l’impunité.
Mais que lui reprochait-on ? Mandavy ne doutait guère de l’authenticité
des titres ainsi produits, mais mesurait la gravité de   la
dispersion d’une   « quantité de titres relatifs à la majeure
partie des tenures féodales du Périgord ou du Limousin
. »  .De plus toutes ces pièces portaient la

signature de Jean de Bretagne, et remontaient au début du XV° siècle,  singularité qui ne l’amenait nullement à
conclure à la falsification pour des raisons déjà évoquées. [3].  Son effarement avait trait à la massive  baisse des redevances qu’il en résultait[4].
Le commerce  des titres  à des tarifs exorbitants   de « 4 à 5 louis jusqu'à 10 »
prospérait au plus grand profit des  
redevables. Qu’un magistrat accepte ainsi les conclusions d’une aussi
singulière exhibition disait assez le   désarroi de l’administration fiscale et la
suspicion qui pesait en haut lieu sur la rente féodale depuis la tentative
avortée de Turgot pour la réformer[5]
. En fiscaliste inquiet, Mandavy voyait surtout le désordre occasionné par
le     commerce du tabellion[6]
et l’impasse  où il plongeait les
redevables, « obligés de développer
l’histoire d’un mince fief , d’une simple
censive comme s’il s’agissait de l’histoire d’un empire ».

     C’était bien là toute la question des
rentes dans sa complexité de 1788. Dès lors que l’on contestait de part et
d’autre l’usage et que l’on se battait  à
partir de pièces écrites, la avec complexité des procédures engagées et leur
durée, le soudain afflux de pièces nouvelles 
risquait  placer les juges dans
une situation intenable « C’est
un affreux désordre dans un gouvernement bien réglé comme le nôtre,

gémissait Mandavy ,que de laisser au
pillage du premier qui en offre de l’argent. »
 : ni seigneur, ni

redevable il affirmait  son impartialité[7]. Il nous semble qu’une
telle position en dit long sur la fragilité de l’ »administration et sa
perméabilité croissante aux dénonciations des abus par l’opinion publique.

      On notera que c’est sur un autre ton que
Eydely instruisit l’affaire pour l’intendant. Virideau  n’ était pour lui  qu’un fripon qui loin de constituer la Providence
des redevables, se donnait au plus offrant[8] . Mais il s’en prenait
plus encore« Jean, Comte de Blois
qui se faisait appeler Jean de Bretagne »[9]

 et n’était qu’un usurpateur ! On
voit où il conduisait ainsi l’administration. Eydely narre ensuite les épisodes
de l’affaire en 1788 , les arrestations du notaires et ses évasions  de Limoges puis Bordeaux et son installation à
Agonac, à 2 lieues de la ville où prospérait son commerce[10] .  Quoi qu’il en fût de la situation, il
apparaissait clairement que l’administration peinait à établir à vérité. Et à
l’automne, la correspondance entre le ministère et l’intendant montrait que
c’était le système tout entier qui se trouvait menacé «  des vexations et concussions que fait et
qu’occasionne cet individu : une nuée de procès s’élève qui vont être la
ruine de bien du monde
. Eydely mettait en exergue la nécessité d’intervenir

face au  scandale croissant[11], tant Virideau agissait a
découvert[12] .

    Il  devenait surtout de plus en plus clair que ce
sont les tenanciers et non les rentiers, contrairement à l’assertion de Eydely
qui recouraient à Virideau. Peu importait même que l’on recourût au
notaire : le seul fait qu’il fût poursuivi démontrait que la force tentait
une nouvelle fois de détourner le droit. Deux approches d’ailleurs étaient
confrontées dans le contexte de 1788 et elles sont bien caractéristique de
l’usage que l’on fait alors de l’histoire :.  : fidèle à l’esprit
parlementaire, Mandavy n’était pas loin de penser que le temps de la monarchie
absolue avait fait proliférer les abus et que chaque jour l’opinion publique
s’en verrait révéler de nouveaux. Défenseur des institutions le subdélégué
condamnait les méfaits des temps obscurs dont Jean de Bretagne était un
produit. Sauf que ces deux visions de l’histoire assemblées, on ne voit pas
bien ce qu’il restait de recours aux défenseurs de la société féodale dont
l’histoire était, de  toute façon, faite
d’usurpations.

     A ce stade, la lecture des cahiers de
doléances est révélatrice du chemin parcouru.     C’est désormais un fait bien établi :
les rentes , même si l’on n’en contexte pas totalement l’existence, sont perçue
dans des conditions abusives et . Atur et 
Bassillac en appellent aux archives de Pau, référence de plus en plus
populaire parce que les fonds remontant à Henri IV s’y trouvent déposés et que
ce sont les seuls titres fondateurs. Comme si ce qu’a trouvé Virideau pour
plusieurs cas y est conservé pour la totalité et contredit tous les terriers
plus récents et usurpés. Le témoignage du cahier du  Bourdeix en nontronnais  est celui qui va le plus loin. Le groupe de
Nontron  publie (page99) une copie de la
vente de la seigneurie,  un peu
avant  1789, qui probablement, en même
temps qu’elle avait  rouvert une plaie,
semblait de nature décourager toute attaque nouvelle  devant les tribunaux. Or le sentiment
l’emportait qu’il y avait un nouveau déni de justice en faveur des privilégiés.
Certes objectaient les habitants « 
Nous reconnaissons bien qu’ils (les seigneurs) ont des droits à respecter sur
nous mais nous leur demandons des titres bons et valables(…). Ils demandent des
rentes dont le droit n’est établi  que
sur des reconnaissances dont il n’est fait mention d’aucun acensement. Ne
sont-ce pas des reconnaissances frauduleuses ?
2taient dénoncés les

abus sur le calendrier de la perception, la conséquence du criblage des grains
versés qui augmentait  d’un quart le coût
des rentes. La pugnacité des tenanciers prenait surtout un tour nouveau au regard
de  l’affaire Virideau » Le fils d’un notaire du Périgord,
déchiffreur et possesseur d’un livre où sont tous les acensements faits par
Jean de Bretagne a fait circuler cette découverte. Plusieurs ont voulu s’en
servir. Le premier a été un particulier du Limousin contre M Bourbon de Bussay
seigneur de Châlus. Ce particulier a gagné son procès au Parlement de Bordeaux.
Nous voudrions aussi nous servir des mêmes actes, mais une partie des membres
du Parlement  de Bordeaux ayant leurs
terres en Périgord et toute la noblesse de la province ont projeté la perte de
ce misérable possesseur de ces (…) et l’ont pris et repris plusieurs fois,
l’ont emmené dans plusieurs prisons. Enfin un seigneur du Périgord vient de le
faire prendre, conduire( ?) dans les prisons de Bordeaux, on le regarde
comme perdu »

 

   
En somme, la question de l’inanité du système seigneurial, parfaitement
démontrable, montrait aussi que ces prélèvements abusifs se faisaient en déni
du droit et que seule la force les imposait. Conviction lourde de sens et qui
allait très vite trouver son actualité. Ajoutons d’ailleurs que cette approche
ruinait aussi par avance la méthode du rachat puisqu’il n’existait aucune base
sûre pour leur évaluation.

 

 

 Des cahiers anti-urbains ?

 

 

   Les réunions de
sénéchaussées devaient montrer l’ampleur
du contentieux entre villes et campagnes. Elle posa pour les cahiers une
question essentielle. Car, si une partie du monde rural pouvait se montrer
sensible aux arguments du parti national et de ses représentants urbains,
comment expliquer aussi cette agressivité anti-urbaine

     L’aliment en est vite trouvé :
le XVIII° siècle, nous le constaterons dans l’approche économique a été marqué
par le double mouvement. D’abords 
l’extension de la propriété urbaine privilégiée qui, en pays de taille
réelle se traduisait par l’aggravation des impôts  des communautés qui en résultait , que le
propriétaire urbain fasse valoir son bien directement par des journaliers
salariés, ou qu’il  en fasse comme il en
avait  le droit, « rejeter » le
paiement  au bénéfice de la ville
voisine. Et s’il prenait  un métayer par
lequel il ferait régler la taille supportée par sa terre, la conséquence
dénoncée en était le   transfert de revenus et des vivres. La raideur
des bourgeoisie dans la défense de ces privilèges n’avait rien arrangé . Pire
même, nous le savons : elles attendaient des temps nouveau le retour du
terrain qu’elles avaient pu concéder.

    DE là , la critique
glissait sur le plan moral  présentant la ville comme un repaire de
fainéants d’où résultait la  perte de
substance de l’agriculture dépouillée des bras vigoureux dont elle avait  besoin,  la dépopulation provoquant en outre  appauvrissement de la nation. Un des aspects
les plus vigoureusement dénoncés est la multiplication des laquais encouragée
par le fait que travaillant pour des privilégiés ils se trouvaient aussi
exempts de la milice. Et pour couronner le tout , Périgueux  était dénoncée comme « une ville ou la vie animale est plus chère que dans pas une
autre du royaume »
comme l’affirmait le cahier  Corgnac. En somme, il y avait aussi du danger

dans le langage des lumières et les message à la Rousseau. On comprend parfois
pourquoi Voltaire se récriait quant on parlait d’instruire les paysans.

        ON voit bien aussi
ce que l’idée de régénération pouvait être polysémique et contradictoire et
combien l’idée de réforme  ne soulevait
pas forcément l’enthousiasme.

 

La
question de l’Eglise : si loin de Rome

     Il faut d’ailleurs aborder avec autant de
prudence l’un des thèmes favoris des cahiers : la réforme de l’Eglise. Car
il s’agit bien ici  d’une remise en
question de fond. De ce point de vue la tendance exprimée dans le cahier de
Maleville est assez caractéristique d’une mentalité nouvelle. Non qu’il
s’agisse d’exprimer un anticléricalisme 
global-pourtant perceptible dans le cahier de Villamblard [13]
peut-être rédigé sous l’influence du futur 
député Paulhiac de la Sauvetat , non même qu’il s’agisse de condamner la
dîme pourtant si lourde (au 1/11° on peut estimer que c’est le quart du produit
net qu’elle enlève), mais c’est le fonctionnement même de l’Eglise qui est en
cause. Du clergé régulier c’est parfois 
le tranquille sentiment de son inutilité qui est exprimé comme à
Montpon, à propos de la chartreuse de Vauclaire[14]
. Surtout le clergé est le lieu d’un détournement de biens, dénoncé dans  tel cahier qui montre « un gros prélat
ou un abbé qui s’en (la dîme) sert pour rouler carrosse à Paris »[15],
dans  tel autre qui s’exclame plus
simplement  que « la graisse des
moines coûte cher à l’Etat »[16],
de la charge contre le casuel si lourd au moment des crises de mortalité et qui
fait double charge pour qui paie la dîme (ce qui n’est pas le cas des
urbains !) et surtout donne le permanent contre- témoignage  que constitue le triptyque richesse-
oisiveté- non respect des canons de l’église. La réforme proposée est celle du
retour à l’Eglise primitive , véritable référence d’ensemble, illustrant de
manière exemplaire l’idée  d’une
régénération puisée aux sources les plus pures et qui redonnerait aux curés la
place qu’ils méritent pour leur sens du service.[17]
S’il est un point où les idées qui ont nourri la révolution –celle-ci du
jansénisme gallican – ont fait leur chemin 
c’est bien celui-là. En ce sens les cahiers du Tiers rejoignent ceux des
curés dont nous disposons pour faire de la chose ecclésiale une affaire d’abord
nationale. La volonté d’écarter le pape de toutes les démarches et la
condamnation des résignations des cures en cour de Rome, système devenu si
habituel pour un curé pour céder sa cure contre pension viagère, sont
manifestes. En revanche l’insistance à souligner le rôle des curés montre que
le gallicanisme et la popularité du jansénisme richériste sont l’une des
composantes de l’esprit de 1789.

      Et ils témoignent qu’à
côté des courants philosophiques hérités du jansénisme, il y a bien une vision
rurale de l’église autour de son curé et de sa dîme. Car celle-ci restant au
village était la garantie –fût ce par procès- de l’entretien de l’église, de
l’assistance aux pauvres et du contrôle sur la masse de récolte qu’elle
constituait avec l’activité qui pouvait en résulter. La vision d’un village
maître de son destin que nous retrouverons si souvent est aussi un des éléments
du débat.

 

La
question économique : une frontière sociale ?

      Restent des
indicateurs de l’empreinte sociale des cahiers : c’est la question
économique.  A propos de la question de
la circulation des grains, le même cahier d’Auriac de Bourzac –en Ribéracois-
qui affirme que l’on peut avoir le cœur
et les sentiments d’un bon citoyen sans possessions territoriales, mais ce
n’est que par les possessions territoriales qu’on acquiert tous les droits de
citoyen et les prérogatives du citoyen diminuent ou augmentent en raison de
l’étendue et de la nature des possessions,
qui défend  que les dîmes « sont les vrai patrimoine

de l’église » et que la rente doit échapper à l’impôt, proclame qu’
« il est très important pour nous
que le blé ait un prix très considérable en conséquence nous supplions SA
Majesté de vouloir bien retirer son édit ».

 

       Sans tomber dans des
propos aussi radicaux, les cahiers 
reprennent  la vision d’une
régénération dont les conséquences économiques seront bienfaisantes. Il s’agit
de sortir d’un système vicié par son archaïsme. 
Au delà des plaintes plus populaires sur les circonstances
météorologiques, souvent d’ailleurs pour mettre l’accent sur la principale des
catastrophes comme  le gel des
châtaigniers ,  la critique du système
est souvent envisagée sous ses aspects économiques. Caractéristique est
l’insistance mise à dénoncer les droits de francs fiefs. Ils sont d’abord  « ’antique trace de la barbarie et de la
féodalité » humiliants pour le tiers. Mais ils gênent  surtout l’acquisition de fiefs par la
bourgeoisie, menacée lorsqu’elle a acquis ces terres d’être obligée
périodiquement au versement de droits mal fixés. De la même manière les droits de mutation et de contrôle sont
l’objet de critiques féroces et ceux qui les perçoivent d’agir sans foi ni loi.
Ce sont les banalités coupables d’entraver la liberté économique, les corvées
critiquées pour la manière dont elles gênent les travaux agricoles mais surtout
leur inefficacité en termes d’équipement routier paralysant ainsi ces échanges
commerciaux  qui manquent tant au Périgord.  On voit bien qu’en matière économique on est
moins dans l’immémorial que dans la dénonciation d’entraves au développement
économique de plus en plus insupportables.

       De ce point de vue,
le mémoire fameux de Saint André de Double où les paroissiens réussirent à
empêcher le juge de réussir son hold up , ne conduit pas pour autant à la
revendication populaire. C’est probablement même tout le contraire, tant la
vision présentée relève de l’expertise économique quand elle évoque  les conséquences des tentatives de
modernisation qui découragent le cultivateur parce qu’elles  profitent 
davantage au bénéficier qu’à lui

 

     On pourrait ajouter
d’ailleurs d’autres approches qui témoignent d’un esprit nouveau comme la
question du traitement de la pauvreté et l’ouverture des manufactures beaucoup
plus efficace pour la combattre que des solidarités désormais
encombrantes : si la question des communaux se pose peu en Périgord, celle
de droit comme le curage qui permet pauvres de prélever le bois mort   apparaît comme un véritable obstacle à une
bonne gestion des forêts  sur
laquelle  pèse déjà l’évolution des lods
et ventes qui traite l’arbre- législation du parlement de Bordeaux oblige-
comme un bien immobilier  quand sa coupe
régulière en fait un produit spéculatif essentiel.

 

A SUIVRE….



[1] De même, la justification  du choix de Versailles pour lieu de vréunion
des Etats « Non pour gêner en aucune
manière la liberté de leur délibérations, mais pour conserver le caractère plus
cher à son cœur, celui de conseil et d’ami

[2] ADD de  B 2072 à
2095, Inventaire sommaire, tome 2,
sénéchaussée de Bergerac

[3] « Ce dépôt s’il est fidèle et s’il n’est pas
une fabrique de falsification comme on l’a craint quelque temps

 

[4] fixant
»les redevances seigneuriales à un taux
presque partout au dessous du devoir actuel et pour plusieurs la réduction est
énorme : 8 ou 10 mesures à 3 ou 4 ».

[5] ,
opèrerait ainsi d’une manière également naturelle et juste la libération des
rentes seigneuriales et accomplirait le vœu bienfaisant d’un ministre dont la
mémoire sera toujours en vénération à la France » 

 

[6] Car, de ce
que le sieur Virideau vend les titres ,en nature et tels qu’ils existent dans
son dépôt, il s’en suivra que l’homme riche et aisé fera disparaître à jamais
les preuves d’une injustice qui, sur cette matière va s’éterniser et perpétuer
la surcharge des censitaires

[7] Le mémoire
qui figure au dossier ci dessus et qui contient les lettres du ministère, de
l’intendance et du subdélégué Eydely est en réalité un extrait du premier
mémoire envoyé au ministre et que Eydely, subdélégué, obtient de Mandavy dans
es conditions citées ci dessous.

[8] A D G Idem « il
a également donné l’alarme aux censitaires comme aux seigneurs et occasionné
déjà nombre de procès qui ont été jugés tantôt en faveur des uns, tantôt en
faveur des autres par la raison que ce particulier livre à prix d’argent et au
plus offrant les originaux ayant pour chaque fief ou tènement le bail à cens et
une ».

[9] Cela est une
usurpation puisqu’à cette époque un Jean, comte de Blois se faisait appeler
comte de Bretagne du chef de sa femme se mit en possession en cette qualité de
la vicomté de Limoges et de la comté de Périgord fit main basse sur tout et
établit de nouveaux titres et fit faire de nouvelles reconnaissance.

[10] : »IL profite de la circonstance pour faire la
vente de ses titres pour ainsi dire publiquement, les personnes de

tous les ordres de tous
les rangs s’y
rendent en foule ».

[11] : « Il faudrait , s’alarme-t-il, que
le dépôt du sieur Virideau  fût en
d’autres mains que les siennes, qu’il fût en un lieu sûr et qu’il ne fût livré
que des expéditions et non les minutes même ».

[12] :Il tient bureau chez lui avec 3 ou 4
associés qui vont et qui viennent pour achalander sa boutique qui soutire de
toutes part ceux qui sont assez bons d’y prendre confiance »
concluant

Le mal s’envenime et c’est un  vrai fléau de plus pour la province que
l’existence d’un tel homme »

[13] Les
travailleurs les plus nerveux ont abandon né une paroisse frappée de tant de
fléaux. Ils se sont enrôlés avec la laquetaille et les artistes pour avoir du
pain avec des vices, l’oisiveté avec la commodité et la bassesse. Prennent-ils
un peu plus d’essor , ils se font prêtres ou moines et vont grossir la troupe
des fainéants doublement onéreus et par le sot orgueil de leurs prétentions et
par des salaires très disproportionnés avec les services qu’ils rendent »

G Mandon,La
société périgorde,
déjà cité, p 278..

 

[15] ADD
C 6 13,cité dans Guy MANDON,la dîme en
Périogprd au XVIII° siècle,
 TER,

Bordeaux III, 1970, p101 »C’est dans
le trésor d’un gros prélat et abbé que vont se verser tous ces biens mal acquis
pour se faire traîner par des chars attelés par de superbes coursiers et y
consommer par là les fruits de la sueur du malheureux pays

,

[16]
cahier de Grange d’Ans

[17]
« Que ne sont-ils en vigueur les canons qui assignaient aux clercs le
tiers des renus écclésiastiques » Cahier de Saint Antoine d’Auberoche



03/03/2012

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