Paunac: les dimensions religieuses d'un conflit antiseigneurial

 

ATTENTION: FICHE EN COURS D'ELABORATION...............Danger travaux

 

 

PAUNAT : Quand les questions religieuses renforcent un conflit de rente


       La paroisse de Paunat proche de Limeuil et de Sainte-alvère présente le statut particulier d’une prévôté  attribuée forcément depuis moins de deux siècles à la Grande mission de Périgueux, autrement dit le grand séminaire sis alors dans les bâtiments de l’actuelle cité administrative de Périgueux après leur sécularisation opérée avec la vente des biens nationaux.

       Nous devons donc, dans un premier temps examiner ces  faits auxquels. Ceci nous conduit en second lieu à voir comment l’un des « insurgés » justifie son attitude sur le plan religieux faisant preuve en ce domaine d’une sensibilité qui mérite d’être examinée. Surtout, la suite du dossier nous conduit à l’examen d’un autre conflit antérieur celui des rentes, refus qui tourne à l’émeute fin janvier. On a donc ici un enchaînement qui présente un intérêt tout particulier.

 

      Prévôt et donc seigneur de Paunat, le grand séminaire y perçoit des rentes auxquelles s’ajoutent les dîmes qui lui sont attribuées au titre de curé primitif. Comme tel il a  en charge l’entretien de l’église paroissiale. Or celle-ci est en si mauvaise état que l’évêque en aurait prononcé l’interdit  en 1726. Solution de remplacement immédiate a été trouvée : les  paroissiens se sont vu mettre à disposition l’église de la prévôté. Rien n’a d’évidence été fait pour restaurer l’église paroissiale et l’usage aidant une solution a été trouvée : le prévôt a proposé de mettre définitivement à la disposition de la paroisse l’église de la prévôté et un presbytère. En échange, les paroissiens ont accepté de contribuer à la réparation de la toiture. L’assemblée a eu lieu en 1771 , le 20 mai où ont comparu devant le notaire, en présence du curé Jean Duchassain,

 de François Linarès, Sr du bos, juge de la juridiction de Paunat,

Raymond de Labrousse ,sieur de La lande, pr d’office de la présente paroisse,

Arnaud de la Roche, Sr de Féline, bourgeois,

Sr Dejean de Labrousse de Castanet, bourgeois,

 Sieur Jean Narbonne Sr de Vaudune, bourgeois,

Sr Jean d’Artenset, sieur de la Nougarède , bourgeois,

Sr Jean Nicaud,

Jean Simon clerc,

henry dumonteil,

Louis Andraud,

Jean D’Artenset, sieur de Lajarthe,

Jean Moulhiou, clerc,

Jean Bord, Sieur de Clédat,

Jean Mordefret,

Elie Estay, clerc,

Jean Linarès dit  Jean d’Huguet, clerc,

Sieur Jean de la Brousse, bourgeois,

Jean Castaignol dit Jeanet, clerc,

Gille Héricord , clerc,

Jean Murac,  Sr De Garresaud, négociant,  tous habitants et plusieurs autres

        Cette affaire dut trainer passablement et rebondit en 1789 au moment d’installer la nouvelle toiture et  alors que que le charpentier avait  installé, on assiste à une rébellion de la paroisse dont les habitants semble opérer un revirement et refuser d’abandonner leur ancienne église.

L’Affaire des rentes

      En fait entre 1771 et 1789 les relations s’étaient compliquées entre le seigneur de Paunat et les rentiers dont il apparaît que pour trois tènements  les retards de paiement des rentes s’étaient accumulés . Aussi vit-on arriver dans la paroisse le 23 août 1787 l’huissier Bertrand Hervis qui à la requête du syndic de la Mission vint se présenter au domicile de Jean Murac dont le document de 1771 nous indique qu’il est négociant et sieur de Garesson porteur d’une assignation à comparaître devant le sénéchal au nom des tenanciers solidaires des trois tènements de la Penotie, de Sors et de Menzelle. L’intérêt de l’assignation est qu’elle indique aussi le nom des dix solidaires en défaut de paiement, 1 depuis 1778, 5 depuis 1780, 1 depuis 1782 et les deux derniers depuis 1783 et 1784. Le mal s’est donc étendu et le seigneur a décidé de porter le fer . Faut-il en conclure que cet affrontement tendit le climat au point de remettre en question les accors antérieurs. C’est probablement l’une des raisons de la rebellion qui se produit en deux épisodes au moment de la fête de la saint Pierre, fin Juin 1789.

    

1-Fin juin 1789, le rejet par une partie des paroissiens des travaux de rénovation de l’église de la prévôté source ADD 6 G 10

Le 29 juin 1789, Jean Baptiste Lasserre, syndic du grand séminaire et à ce titre prévôt de paunat porte plainte contre une partie des habitants, à propos de faits survenus deux dimanches consécutifs prétendant qu’il s’agit d’un « délit d’autant plus grave qu’il paraît avoir été l’effet d’un fanatisme peut être encore plus déraisonnable qu’il n’est violent « .  Beau retournement : c’est le seigneur et prêtre qui use des termes des philosophes contre ses adversaires et soutient la raison contre le fanatisme !

Les faits :la paroisse réunie à la Mission a « une église vaste et en bon état « :  c’est celle de la prévôté dotée en outre d’une maison presbytérale, quand l’église paroissiale est frappée d’interdit et « elle n’est plus qu’une mazure , estime le prévôt qui rappelle le décret épiscopal de 1721. Dans ce contexte, le   le prévôt a proposé  la « cession pure et simple après réparations  qui l’avaient mise dans le meilleur état possible à ses propres dépens ». A ceci s’ajoutait la cession d’un logement pour le curé. De leur côté les paroissiens « on veut dire les raisonnables précise le prévôt accepté de  s’imposée  pour faire rétablir à neuf la charpente . C’est pour  demander à l’intendant de pouvoir s’imposer  un supplément d’impôt  pour verser ces 1200livres de cette somme que les principaux habitants se sont réunis dans une assemblée dont nous disposons de la délibération. Les travaux  concernent la réfection de la toiture de la nef à charge des paroissiens selon les règles canoniques.  confiés à un charpentier du nom de Jean Gimbaud. Notons au passage qu’un artisan qui témoigne de son analphabétisme en indiquant son incapacité à signer est en mesure d’exécuter un chantier de cette ampleur représentant le salaire de 1000 à 1500 journées de travail d’un ouvrier qualifié. Cela ouvre des perspectives de réflexion.

    Laissons la parole au plaignant «  Il (Gimbaud)a battu l’ancienne charpente sans difficulté. Mais lorsqu’il s’est agi d’installer la nouvelle « quelques uns des habitants ont commencé à murmurer s’enflammant d’un fanatisme extravagant qui a consisté a s’insurger et dire que le bonheur de leur paroisse était attaché à l’ancienne église et qu’ils voulaient absolument qu’elle fût rétablie et ne voulaient pas de l’église prévôtale pour église paroissiale, ce fanatisme a été porté à un point tel que dimanche dernier ledit Gimbeau ayant paru aux vêpres chantées » a été l’objet de menace et, usant de l’échelle, a dû aller se réfugier sur les voûtes où il s’est hissé pendant que des paroissiens excités criaient « qu’il ne mourrait que de leurs mains ».Six paroissiens sont nommément accusés d’avoir tenté de le précipiter en bas et de lui avoir lancé des pierres. Mais le mouvement s’est vite élargi puisque, selon le prévôt qui a aussi besoin du nombre anonyme pour construire son accusation d’attroupements séditieux « Tant eux qu’une centaine de personnes attroupées se mirent à faire pleuvoir sur ledit Gimbaud un grêle de pierres dont plusieurs coups l’atteignirent a la joue dont il porte encore la marque ». L’intervention du curé sembla parvenir à calmer « cette troupe effreinnée qui ne céda qu’en proférant des menaces visant Gimbaud ou tout autre ouvrier »

Logiquement le prévôt porta donc plainte pour attroupement, menaces, excès réel et « dessin d’immoler le misérable ouvrier co-suppliant »

    Ces menaces furent mises a exécution le dimanche suivant, 29 juin, jour de la saint Pierre. Le curé s’y employa via le prône à une réprimande charitable , à ramener la paix, raison et tranquillité. Mais les paroissiens sermonnés »au lieu de devenir plus sages se livrèrent à de nouveaux emportements » »A l’issue de vêpres, ils s’attroupèrent pour enlever l’échelle dressée contre le mur de l’église pour les réparations « qu’ils emportèrent comme un triomphe dans l’ancienne église inter(dite, au son de la cloche de cette dernière église et en tirant pendant le trajet plusieurs coups de pistolet qui tout bruyant qu’ils fussent faisaient peut-être encore moins de bruit que les cris et clameurs, menaces, injures, blasphèmes que cette troupe vomissait contre la maison de la mission…. »L’ayant déposée après plusieurs actes de fanatisme une bonne partie de la troupe se retira au cabaret de Lapeyre où les clameurs, menaces et injures se renouvelèrent dans des fêtes bachiques et grandement bruyantes à toutes les tables du susdit cabaret à l’occasion de ce qui venait de se passer. Notons le nom des meneurs dénoncés par Lasserre : Jean Parrot dit Peyrouton, le fils de Jean Bord ainé, Mondot du Reclos, Bousquet, le fils aîné de Clédat, Jean Conangle charpentier et…une foule d’autres attroupés

  

2-l’attachement à l’église paroissiale, manifestation d’une sensibilité religieuse particulière

       La plainte ainsi constituée  déboucha sur une procédure patr l’assesseur de la maréchaussée, JB Mathet de la Grèze « pour attroupement, menaces et excès commis  sur la personne du nommé Gimbaud et l’interrogatoire des accusés, le 18 juillet. Mondot, travailleur de terre, travailleur de terre âgé de 50 ans, qui  répond qu’il n’était pas à l’église au moment des vêpres mais «  qu’à l’heure desdites vêpres, il se rendit comme à l’ordinaire dans l’ancienne église de la paroisse où il fit ses prières ». Réponse évidemment étranges quant au lieu mais aussi au comportement religieux qui appelle les questions de savoir « s’il le pratique ainsi constamment pour la messe comme pour les vêpres, depuis quel temps il ne fréquente plus l’église de la prévôté et quelles sont ses raisons » .La réponse de l’accusé vaut d’être citée largement « Répond qu’il se rend depuis environ quatre ans tous les jours de dimanche et fête dans l’ancienne église d’où il croit entendre la messe comme s’il était dans l’église de la prévôté où l’on dit la messe, parce que c »’est à la même heure qu’il va dans l’ancienne église où il fait ses prières pour la messe et que s’il le pratique de même c’est que NSeigneur est dans l’ancienne église de la paroisse comme dans celle de la prévôté et que d’ailleurs il croit que la plus ancienne église est celle des morts et des vivants qu’il faut préférer à toute autre.

    Le magistrat tente de lui montrer qu »il se trompe et qu’il remplit mal son devoir de chrétien en se retirant dans l’ancienne église quoiqu’à l’heure de la messe pour satisfaire au précepte parce qu’il ne peut voir le prêtre ni entendre les paroles qu’il dit à l’hôtel (sic) et que d’ailleurs il ne peut participer aux grâces qui sont attachées aux prières publiques » mais ne convainc nullement Monot qui répond « qu’il se  peut bien mais qu’il ne peut prier mieux à sa fantaisie que dans l’ancienne église », ce qui fait ùmonter le ton, le juge  lui reprochant alors « une affectation toute frauduleuse de sa part de ne plus fréquenter l’église et de se priver ainsi du commune des fidèles et qu’en cela il méritait punition « . D’où l’objurgation à se soumettre et à participer à l’église de la prévôté « aux offices où se font toutes les instructions religieuses » auquel l’accusé ne cède rien ,reconnaissant qu’il serait encore bien plus satisfait de s’y rendre que dans l’état des choses où le même service ne se fait qu’à l’église de la prév^$oté, mais qu’encore une fois il ne peut pas abandonner entièrement l’ancienne église et que tout ce qu’il peut faire c’est d’aller quelquefois à l’église de la prévôté comme en effet il y va de temps en temps « 

       Du coup, le juge change de registre et l’interroge sur les événeme,nts du 29 juillet et le transport de l’échelle dans les sentiments de haine qu’il semble avoir contre l’(église de la Prévôté. Mondot se défend d’avoir aidé à l’opération. Seule la curiosité fit « qu’il s’en fut avec plusieurs autres pour voir par pure curiosité rétablir ladite  échelle dans l’ancienne église a qui dit-on elle appartient pour avoir été léguée par certain testament ». il nie de ce fait toute culpabilité. Le juge l’interroge alors sur la sonnerie des cloches de l’ancienne église, sur sa participation aux réjouissances au cabaret ce à quoi Mondot admet que »à  la vérité ce qu’on appelle la canaille du canton fut sonner la cloche de l’ancienne église dans le temps qu’on y portait ladite échelle, qu’il fut même ensuite avec beaucoup au cabaret de Lapeyre qu’il n’y eut pas le moindre désordre et que lui-même qui répond n’y but que roquille après quoi il sortit presqu’aussitôt et qu’enfin il ne vit ni entendit tirer un seul coup de pistolet. Quant à ceux qui ont porté l’échelle il nese souvient que d’un Jean Bord, fils ainé et d’un charpentier  dont il ne sait pas autrement le nom mais qu’il sait être métayer ou plutôt le fils dud métayer du Sr Souillac. Mondot n’est pas en mesure de signer le procès verbal de cet interrogatoire.

    Le juge interroge le même jour Jean Rey, travailleur de terre, âgé de 33 ans.L’interrogatoire porte d’abord sur les faits du premier dimanche quand « Louis Bousquet fils  armé ( ?) de quelques bouteilles de vin avec Louis Demaret et quelques autres qu’ils montèrent par une échelle pour atteindre le charpentier qui s’était réfugié sur ladite église crainte des menaces que grand nombre des habitants de la paroisse lui avaient faites…s’il ne fut pas témoin que ledit Bousquet monta à lad échelle jusqu’à moitié malgré les cris et les défenses réitérées que lui faisait ledit Gimbaud de monter. En fait l’inculpé nie et déclare s’être retiré dès la fin des vêpres. Pour l’affaire de l’échelle , même dénégation. IL reconnaît seulement  avoir participé au transport de l’échelle à la demande du sonneur de cloche qui s’était plein de l’enlèvement de l’échelle et qu’on l’ait remplacée »par une mauvaise échelle dont il ne pouvait se servir quand il fallait monter au clocher ». quant à la dernière scène que le juge décrit à nouveau   « Après que ladite échelle fut rétablie dans l’ancienne église, lui-même avec plus autres ne furent pas au cabaret de Lapeyre, en grand tumulte comme pour se féliciter mutuellement  du transport de ladite échelle, si en plus grand signe de joie il ne fut pas tiré plusieurs coups de pistolet autour de lad église » a quoi il répond « que lui-même et plusieurs autres furent audit cabaret mais qu’il n’y eut d’autre tumulte que le fait de quelques chansons qui fut chantée pour célébrer disait-on la fête de saint Pierre ; et qu’enfin lui qui répond n’entendit pas tirer un seul coup de pistolet

   

 

 

3-le rebond du conflit : fin janvier 1789

      On ne sait quel fut le sort des accusés.On a en revanche  de bonnes raisons de penser que le feu couvait quand le mouvement contre les rentes parcourut le Périgord. Le livre développe au chapitre 12 la géographie de ce mouvement que montre aussi la carte 4. Paunat, comme Limeuil ou Sainte Alvère tout proches, est à la convergence de deux trajectoires : celle de la remontée vers le Nord du mouvement autour du château  de Cugnac puis des affaires autour du Buisson et de l’offensive paysanne qui a parsemé la Vézère de mai a partir de la région de Montignac. Le document dont nous disposons sur ce mouvement est constitué par la plainte déposée par 3 notables : leonard Linard du Cluzeau, Michel Besse defontaine et Jean Labrousse, lequel figurait dans la liste des notables de 1771.

    Il déposent sur un événement dont ils disent la soudaineté et la brutalité :Le 30 janvier dernier, il parut tout à coup dans la passoisse de Paugnac une insurrection populaire à la tête de laquelle se trouvaient les nommés Michel Reix et Gilles desRicords qui se proposaient, disaient-ils d’enlever et brûlker les bancs et les chaises de l’église ». Faut-il rapprocher le premier du Rey qui est accusé dans l’affaire de la Saint-Pierre. L’ortographe d’un patronyme qui correspond à « roy »en français est alternativement l’une ou l’auttre.Les choses sont plus simples pour Gilles des Ricprd ou d’Héricord qui est lui dans l’acte de 1771 comme clerc, donc de cette catégorie intermédiaire dont la sensibilité est bien connue…

    Lisons la suite de la plainte . Elle mentionne que deux des accusateurs avzaient déjà enlevé leurs bancs ce qui tendrait à prouver que l’affaire était dans l’air  d’autant que « plusieurs particuliers » ont fait de même  et précise l’accusation « l’enlèvement se justifie bien en cela quy’ils avaient agit prudemment puisque peu de temps après la troupe au nombre de plus de cent, armés les uns d’un fusil, les autres de haches et de bâtons et différentes autres armes entra dans l’église en proférant des menaces et des cris séditieux et se rua sur tous les bancs et chaises se trouvant dans l’église, même les bancs servant à asseoir les enfants pendant le catégisme(sic), les brisa et emporta sur la place au devant de ladite église ou la troupe effrénée les amoncela et y mit le feu ».

      Comme il fallait s’y attendre, les attroupés s’interessèrent aux bancs soustraits à l’holocauste. On commença par le cas Labrousse qui fut, comme sa femme enceinte, l’objet de menaces proférées surtout par Reix. Mais « quelques honnêtes et pacifiques citoyens «  empêchèrent que la menace ne fût mise a exécution

 

4-les leçons du procès d’avril 1790 et leur enseignement sur le mouvement contre la rente



04/02/2012

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