Plazac: le mouvement des mais (voir Rouffignac)

PLAZAC: De la GRANDE PEUR aux ELECTIONS MUNICIPALES

(juillet 1789 - février 1790)


     Le village de PLazac occupe dans l' ouvrage une place particulière puisqu'à trois reprises j'ai été conduit à lui donner le statut de cas: au moment de la Grande Peur à partir de la retranscription du document faite par CH Secondat dans le Bulletin de la Société Historique, au moment du mouvement des mais et enfin à propos des elections municipales et des mécanismes d'exclusion frappant les citoyens passifs.

   

     Pour le 2°thème, on se réferrera à ROUFFIGNAC fiche dans laquelle sont inclus plusieurs témoignages de villages

 

LA GRANDE PEUR

 Le scénario de la peur : étude d’un cas

Un épisode d’un intérêt majeur : Plazac

      Autre lieu où la peur frappe le 30 au matin : la paroisse de Plazac :[1] non loin de Montignac. Dans ce document, extrait du livre de raison d’un notable plazacois, Bernard Dalbavie, que Marcel Segondat transcrit dans le bulletin  dela Société historique, il n’est pas improbable que le mémorialiste  ait  enrichi l’action pour ce qui est de la panique. Reste pourtant une lecture cohérente de la séquence qui nous intéresse ici  et dont le découpage mérite d’être souligné

1- Six heures de panique « indigène » ?       Le lieu d’abord : Plazac est une paroisse de plus de 1000 habitants,  située dans la Forêt Barade.  C’est le jour  naissant, à 4h du matin (soit 6h actuelles) que « se leva une épouvante des plus terribles.  On notera seulement que, cette fois, aucun messager extérieur n’était dénoncé au bourg où l’on sonna le tocsin. Les hameaux rejoignirent le village, armés comme à l’accoutumée, sauf qu’ici on note la présence de « fugits »(fusils). Sur la place, les seuls habitants  du bourg présent, on échangea sur les menaces : Anglais à Limeuil,  ennemi non désigné au Bugue, feu au château de Campagne  qui domine la Vézère une dizaine de kilomètres en aval. En l’absence de tout intervenant extérieur, il s’agit de l’expression des peurs déjà installées qui parlent d’une géographie mentale incluant les principales villes de la vallée et son confluent mais aussi du château le plus redouté. Troisième étape : l’arrivée des cortèges extérieurs de la peur. Pour la première et seule fois, un cortège de femmes : elles seraient arrivées des Eyzies à une dizaine de kilomètres, (soit plus de deux heures de marche en fin nuit !)   pourchassées par une troupe de 3000 hommes installés « au port » et soulignaient que « partou faisait au tocsein » . Elles auraient disparu sans laisser de traces à la manière d’une « chasse volante ». Leur succéda   un second groupe, plus classique : il  serait venu du village voisin pour annoncer les brigands ayant fait irruption au gros bourg de Thenon dont les habitants se seraient  réfugiés dans la forêt[2] . Serait passé un troisième  groupe, non identifié,  annonçant, cette fois le brûlement d’ »Eysideuil »(Excideuil) , ville  située à plusieurs dizaines de kilomètres au Nord. « Enfin , conclut le chroniqueur , cette alerte fut générale ». Là encore il faut s’arrêter sur les lieux que l’imagination installe : Excideuil, fief des comtes de Périgord est évidemment un de ces lieux au pouvoir évocateur même s’il est situé à plusieurs dizaines de kilomètres. 

 

2- Entre organisation et contamination

        Deuxième étape : celle de l’organisation.. Elle intervint tard dans la matinée : on peut ainsi  dire que la période d’émotion à proprement parler où la peur était montée au gré  des échanges ou des passages avait duré  plusieurs heures ( 6à7 si nous nous en tenons au témoignage) : c’est important car il s’agit alors d’une incubation de l’émotion dont on imagine l’intensité probable. Faut-il penser que les esprits se calmèrent un peu alors pour permettre un semblant d’organisation ? En tout cas commença, avant midi,  l’exercice pour la contre-attaque probable : , ce furent plusieurs centaines d’hommes assemblés[3]. AU bout de trois heures, la panique reprit pourtant, pour constater cette fois que « nous entendions sonner le tocsin partout ». Et c’est du gros bourg de Rouffignac, commune d’environ 2000 habitants que venait la relance de la peur sous forme d’une demande de secours face à une menace provenant, à nouveau, de Thenon. Ainsi une nouvelle fois , nous voyons comment la peur peut suivre un parcours par vagues concentriques qui peuvent successivement atteindre le même village.

 

3- De la rumeur à l’information

Une  3° phase apparaît dans la construction du phénomène : la mise en scène des notables dont le premier rôle est celui d’informer enfin pour endiguer la rumeur : au milieu de l’après midi , l’envoi d’émissaires au bourg de Thenon quiy rencontrèrent cette fois les notables  qui faisaient  état  des mêmes rumeurs[4]

 

4- De la peur à l’enrégimentement interparoissial

Quatrième phase, plus originale, celle de l’action de ces  notables de la ville, ceux probablement rencontrés lors de l’affaire du Jarripigier en juin : on s’était informé et obtenu un écrit de Périgueux, de la part des Consuls. Ceux-ci auraient- tenté de rassurer sur des rumeurs déjà rencontrées, notamment  la menace des 2000 brigands du côté de Brantôme « que même il y avait tous les cavaliers (c’est le nom qu’on donne familièrement à la maréchaussée) avec 300 hommes pour donner du secours, enfin qu’on se tint tout le monde sous les armes. fut-il précisé Plus  probablement  ce sont les membres du Conseil  et d’Excideuil  Pour confirmer l’information deux émissaires au Bugue et à Montignac ramenèrent le même message « qu’on n’avait rien vu mais qu’il fallait se tenir sur ses gardes. Intervint la dernière phase : bénédiction et absolution des paroissiens par  curé vers 5 heures du soir, preuve de l’intensité du péril.

      Ainsi  les événements débouchèrent-ils  sur des actes de défense organisée qui persistèrent plusieurs jours[5] Surtout l’organisation devient inter paroissiale : sous les ordres des notables Fleurac, Rouffignac et Plazac organisèrent une assemblée patriotique et scellèrent un pacte d’union clos par une salve qui montrent qu’ici les fusils étaient bien présents[6]  « Bruit épouvantable » capable à son tour de créer quelque panique !

     L’épisode de  Fleurac nous a paru constituer un cas à analyser dans la mesure où il permet de dégager les phases d’un scénario qui va de la panique   à la construction d’ »une nouvelle organisation de type défensif. »Que « dans chaque paroisse il y ait commandant, capitaine, offissier(sic) » montre bien la mise en place de ces structures de  troupes ou milices patriotiques dont les villages se dotèrent.  Toute la question est de déceler la significations de tels actes des autorités. Tentative de réponse  la moins mauvaise possible à une situation dont le caractère dramatique peut conduire le peuple aux pires réflexes ou utilisation  tactique de l’événement : dédramatiser jusqu’à un certain point oui. Mais jouer aussi de l’inquiétude pour constituer ce réseau patriotique. Toute l’action du Conseil des communes était ici en gestation.

 

 

 

 



[1] Marcel SECONDAT, La « grande peur «  à Plazac, BSHAP LV, p 91

[2] « des autres du bourg de Bars  vinrent à forse en criant qu’il y avait 2000 brigans à Thenon qu’on les saccageait à tous et que tout le monde fuyait, allait se réfugier dans la forêt Barade.

[3] L’annuaire de G DELFAU pour l’an X dénombre pour cettte année là 343 hommes validfes

[4] « les Messieurs de Thenon leur dirent qu’ils n’avaient rien vu, mais qu’ils étaient tous en alarmes, que partout les paroisses voisines sonnaient le tocsin depuis le soleil levé et qu’ils avaient eu la même alerte que nous »

[5] Nous fîmes la patrouille et montâmes la garde jusqu’au 2 août, jour de dimanche

[6] Difficile de résister à citer en totalité un tableau si suggestif : « IL fut convenu avec Messieurs de Rouffignac et Fleurac que leur paroisses se rendraient conjointement avec la nôttre, sur les quatre heures du soir, dans le grand pred de la Forge, ce qui fut fait. Les trois paroisses se rendirent avec pifre, violont, tanbourg et toutes sortes d’armes. Chaque paroisse y avait un capitaine, commandant, officier..On les fit passer en revue dans lesdits prés et les trois paroisses réunies firent adjuration, prêtèrent serment d’être fidèles au roi et à la nation et de s’eyder mutuellement et de se secourir si les troupes ennemies arrivaient. Chaque paroisse fit sa décharge.Le bruit du fusil firent un bruit épouvantable et chacung se retira fort tranquillement »



04/02/2012

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