Mussidan: les affrontements de l'été 1789

LE CAS MUSSIDAN

 

          Nous n’avons fait qu’une place limitée aux événements de Mussidan de l’été et de l’automne 1789. Nous souhaitons y revenir ici tant ce cas nous paraît de nature à mettre en exergue la manière dont se déroulent les affrontements locaux entre les deux « partis «  qui s’affrontent en 1789 : faut-il parler de « conservateurs » pour désigner le premier pouvoir issu de la Grande Peur et que domine le notaire Madailhac, homme de loi qui a servi le duc de la Force , seigneur de Mussidan d’un côté,  d  « activiste »  de l’autre, celui de l’avocat Lambert ?

      Ce même Lambert a rédigé au nom de la Communauté de Mussidan l’adhésion de la ville au placet de Périgueux de Janvier pour le rétablissement des états pârticuliers du Périgord (texte imprimé AN B 66). On le retrouve ensuite rédacteur du cahier de doléances, un cahier qui se fait remarquer par sa virulence antiseigneuriale et son gallicanisme  très affirmé. Ces deux documents trouveront ici leur place.

     L’affrontement qui se déclenche au moment de la Grande Peur où le registre du conseil montre la ville en appelant au secours de Périgueux, permet de repérer à la fois des événements types et leur version particulière

-ainsi de la formation du comité et de la milice ou garde nationale et les deux conceptions qui opposent les deux partis à ce sujet

-ainsi du rôle de la troupe patriotique nécessairement très active compte-tenu de la permanence du danger supposé pour Lambert,  manifestation d’une militarisation absurde et lieu d’une perte de temps pour son adversaire.

-ainsi du langage politique respectif

On observera aussi les hésitations du conseil des communes. Il est vrai que, jusqu’en novembre Mussidan apparaît avec une fréquence élevée au registre des délibérations . D’abord parce que la ville apporte son soutien à Périgueux notamment  ( lorsque celle-ci organise la délibération pour l’envoi d’un député  à l’Assemblée nationale. Mais aussi parce que le conseil des communes s’engage fortement dans l’affrontement ( notamment à propos du noble de Lendit) et soutient le clan Madaillac. On notera enfin   la place centrale de Pierre Beaupuy  de la Richardie.

 

 

 

 

 

 

1-l’affrontement  au lendemain de la Grande Peur .

     Nous disposons pour connaître  les affrontements de Mussidan des deux mémoires  antagonistes ( AN D XXIX 58, 14) et d’un procès verbal de l’assemblée du 4 octobre (A DD  B 834)

11- Un premier comité fut constutué au moment de la Grande peur..

 Madailhac présente les circonstances classiques de sa formation: il s’agit bien, face au dangers de rassembler les notables , connus à la fois pour leur adhésion aux idées nouvelles et les garanties qu’ils apportent

Je n’étais pas à Mussidan lors de l’alarme générale précise-t-il.Des citoyens dignes de foi m’ont assuré que le dimanche suivant , les habitants dûment assemblés avaient fait un comité, composé de MM Du Terme juge, président, Pommier assesseur, vice président , Girardeau avocat rapporteur, Teyssandier de Lasserve, Rambaud-Dupinier, Pontard, Laulanie, conseillers. Ce comité ne pouvait assurément être mieux constitué. Ce sont des citoyens recommandables par leurs lumières et leurs vertus ; il était, comme partout ailleurs, chargé de veiller au maintien de la tranquillité publique.

   Ensuite il fut par tous les habitants également dûment assemblés, procédé à la formation de la milice patriotique. Les compagnies divisées par les différents quartiers de la ville et des faubourgs nommèrent chacune leurs officiers et toutes ensembles pour commandant du régiment M de Beaupuy de la Richardie, gentilhomme, ancien capitaine d’infanterie qui, lors de la rédaction du cahier de son ordre a professé des principes qui l’ont rendu cher à toute la province.

    On a donc le classique rassemblement des défenseurs de l’ordre qui répondent probablement à l’invitation de Périgueux pour constituer un comité qui prend les mesures de maintien de l’ordre en se dotant d’une « milice patriotique »

   Les choses apparaissent sous un tout autre jour dans le mémoire de Lambert.Voici maintenant la présentation du comité par l’avocat Lambert qui inverse l’ordre de naissance des institutions pour présenter une formation spontanée  de la troupe répondant à un réflexe populaire de défense patriotique que les notables auraient tenté de canaliser.

 

  La ville de Mussidan, prit les armes comme toutes les autres, mais dans les premiers mouvements, nul ordre ne fut établi. Quelques individus attachés à l’ancien régime, esclaves ou instruments de la tyrannie aristocratique imaginèrent de former entre eux un comité pour maîtriser la force patriotique et dominer au milieu de la liberté publique comme ils avaient dominé la servitude publique.

 

 

     C’est en riposte à la volonté « aristocratique » de contrôler l’élan de défense populaire que l’on est passé à la deuxième étape : la formation d’un comité supplantant le premier sous le nom cette fois de « conseil municipal patriotique « , manière de rendre au peuple les droits confisqués par l’Ancien Régime .Voici comment Lambert commente le changement de pouvoir qui semble avoir eu lieu     le même jour

Les bons citoyens indignés du projet convoquèrent une assemblée dans une église. Cette assemblée cassa le comité, forma un régiment national  de tous les domiciliés et établit un conseil municipal patriotique et militaire composé de l’officier civil du syndic général de la commune, de l’état major du régiment et d’un certain nombre de députés de diverses compagnies. La formation de ce régiment et de ce conseil avait obtenu l’approbation de M le commandant de la province, les villes voisines lui avaient donné et avaient reçus tous les témoignages d’honneur et de confraternité qui attestent et proclament la légalité d’un corps qui n’existe que par le vœu commun, nous étions tous tranquilles et contents et surtout dévoués à ce service de garde et de surveillance qui a été le principal objet de l’institution de milices nationales

     Lors de l’assemblée du 4 octobre, Lambert devait même souligner qu’il avait obtenu le soutien du Grand prévôt, Fumel, et du conseil des communes

   

      Revenons au mémoire de Madailhac  qui les mêmes événements  comme un double coup de force évoque  conduit par  ceux qu’il désigne comme « les Lambert » ou les «  Charles » faisant allusion au double patronyme de la famille de l’avocat

 Pour  la conquête de la milice  La famille des Charles, trop connue pour qu’on ne s’attendît pas à toutes sortes de manœuvres….Par leurs intrigues et leurs cabales,  elle engagea quelques uns des principaux habitants à proposer à l’assemblée de nommer le second de cette famille major du régiment , espérant que ce grade suffirait à leurs ambitions.

   Le reste du jour fut employé par eux à intriguer et à cabaler et, la nuit suivante, ayant réuni chez eux leurs adhérents il firent une nouvelle formation de la milice ou  l’avocat fut porté commandant et le gabelou en qualité de capitaine…. Quelques signatures dans les rues et les cabarets à des étrangers, à des esprits faibles et à des enfants a qui ils firent même signer pour d’autres. Peu après ils vinrent annoncer  cette formation et lui faire faire le service, secondés par des officiers de leur choix qui n’avaient aucun grade dans la 1° formation.

 Pour la substitution au comité d’un conseil de guerre :

Redoutant la surveillance du comité, ils réussirent à persuader qu’il était dangereux à la sûreté publique et en firent souscrire de la même manière la proscription. IL y a plus : en voulant absolument exercer un empire despotique sur leurs concitoyens, ils substituèrent au comité supprimé un conseil de guerre.

     Il y a bien dans cette vision la classique dichotomie déjà rencontrée : pour les uns le Comité est l’organe de gestion des affaires de la ville et le garant de la sécurité, la troupe patriotique en étant le bras armé et contrôlé.

    Pour les second au contraire, c’est au cœur de la troupe que vit la légitimité et le conseil n’est plus alors qu’un Etat major ou un conseil de guerre. De là découle une autre conception : celle d’une paroisse en état de mobilisation où tous les citoyens doivent porter les armes et respecter les règles d’ une obéissance militaire notamment  ne peuvent échapper à l’obligation de la patrouille. On est en fait au plein sens du terme dans un cas de figure de dictature militaire. Ce que dénonce d’ailleurs Madailhac « Dans le temps de l’alarme, chacun courut aux armes,  chacun se dévoua pour le défense de la liberté publique, mais le danger passé, chacun entendait reprendre ses occupations, jouir de tous les droits de la liberté. Si on avait imaginé se mettre par là sous le règne de la discipline militaire, cette même liberté ne serait plus peut-être qu’un vain nom. Une pareille idée serait en politique le comble de la démence .Il serait impossible qu’un peuple agricole et commerçant comme les Français subsistât au milieu des faisceaux d’armes. Soyons armés pour défendre la liberté, mais hors de ces besoins nos armes doivent être inutiles. Les Lambert ont fatigué les habitants qui, par crainte ou par faiblesse, se sont réunis sous leurs drapeaux, par des assemblées inutiles ils ont fait perdre un temps précieux à l’ouvrier, par des exercices ridicules, car ils n’ont pas la moindre idée des manœuvres de la troupe

 

 

 2-Les protagonistes : « Aristocrates » contre « démagogues ».

2-1    Dans chacun des mémoires , les deux chefs de parti dépeignent leur adversaire. Pour Lambert, Madailhac n’est rien d’autre qu’un suppôt de l’aristocratie

Un homme, MM, un seul, voué à l’aristocratie par le service de ses pères et mères mariés dans la cuisine d’un noble, noté par la justice depuis l’âge de 15 ans, chaque année traduit devant elle par des accusations plus ou moins graves, quelques temps avocat par un serment sans étude, notaire par achat d’un office auquel l’opinion publique le force à renoncer, mendiant de château en château des procurations pour plaider

Chassé de nos assemblées d’élection pour avoir lu une lettre d’un gentilhomme calomniateur des communes et injurieux pour le roi…Il était décoré de la cocarde et par cette décoration s’annonçait comme un soldat de la patrie

 

 

 

 

 

2-2.le portrait de Lambert par Madailhac ne manque pas moins de vigueur : les Lambert sont des gens peu recommandables au passé assez trouble…Le père commerçant mourut chargé d’une banqueroute évidemment frauduleuse. Toute la famille a été punie de prison comme perturbateur du repos public lors d’une alarme occasionnée dans la guerre de 1759 par une prétendue descente des Anglais sur les côtes de Saintonge. L’aîné a été condamné à un bannissement etc…

 

 

 

3-lorsque l’on regarde les entourages, il y a probablement davantage de notabilité dans le parti de Madailhac dont les proches  appartiennent plutôt au monde de la petite bourgeoisie mussidanaise, du commerce et   de l’artisanat. Dans l’affrontement du 4, on voit à ses côtés ceux de la Compagnie du Pont  a commencer par les 2 frères de Madailhac, GUILLAUMON, dit Lafleur meunier, autre GUILLAUMON  dit Jeannot, marchand , DUSSOL, lieutenant à la Cie du Pont, fils d’un marchand de grain  ,BESSINES, tanneur., le lieutenant Pommier, fils du juge.

Coté Lambert un recrutement probablement proche : la délibération qu’il prend, le 4 octobre, compte de 13 signatures : les 2 Lambert, Guinie sergent national, Pachot,  Peyneaud, Faurie et Plaudet secrétaire. Les 6 autres signatures très tremblées (notamment un nommé »Magieeres »

    En fait, la vraie question est celle de l’attitude des frères Beaupuy , célébrés par tout le Périgord des patriotes comme les exemples même de nobles  exemplaires. Pour Madailhac il est M de Beaupuy de la Richardie, gentilhomme, ancien capitaine d’infanterie qui, lors de la rédaction du cahier de son ordre a professé des principes qui l’ont rendu cher à toute la province    Or si finalement les Beaupuy et singulièrement de la Richardie, ont fini par prendre la tête du mouvement anti Lambert, ce n’est pas sans avoir accepté de transiger : c’est ainsi comme le souligne Madailhac qu’il accepte de servir dans la troupe de Lambert et de partager le commandement qui n’ayant d’autre ambition que de servir ses frères accepta. . Or il semble que Beaupuy ait refusé de suivre les Lambert dès lors que ceux-ci ont affiché des positions plus radicales.

 

4-Il semble bien que l’on ait au fond un conflit plus idéologique que social.

Pour Lambert , il y a face à lui tous ceux qui n’ont pas rompu avec l’Ancien Régime. On a vu comment il décrivait Madailhac.  Lorsque, à l’assemblée du 4 octobre, le lieutenant Pommier change de camp il rappelle  qu’il est  « fils de cet officier sermonné pour la taxe du pain » »petitfils de cet autre officier qui avait livré nos titres à la maison de la force »

Il y a quand même un terrain fondamental qui permet de « colorer » les protagonistes : c’est celui de la taxe du pain et le refus de la circulation des grains. De ce côté la le dirigisme « populaire » de Lambert s’oppose au libéralisme de Madaillac, qu’il dénonce. Si celui-ci ne répond pas c’est que la liberté de circulation est « de règle » depuis août (voir dossier grains)

    Il est d’ailleurs tout à fait intéressant de voir le regard respectif sur les deux décennies qui précédent la Révolution à Mussidan. Pour Lambert, elles sont le cadre des exactions des La Force qui ont réinstallé leur pouvoir sur la ville :  tombée dans ces derniers siècles sous le despotisme seigneurial. Bien des années elle défendit sa religion   et sa liberté contre la maison de la Force

. Le tableau qu’il décrit avec une emphase qui lui est familière est celui des abus de la réaction seigneuriale poussée à l’extrême.

    A l’inverse, pour Madailhac, avocat au Parlement de Paris, elles ont été celles d’intervention répétées pour améliorer le sort de la ville qu’il déclare avoir  fait exempté  « d’un impôt de 2000 livres qui se payait depuis 20 ans pour le service de la poste aux chevaux. Il souligne ensuite comment collecteur des impôts il avait « corrigé ses abus anciens qui le rendent onéreux au peuple, imposé plusieurs prétendus privilégiés avec leurs applaudissements !A son actif encore l’ouverture d’une seconde boucherie, la réfection du pavé et enfin des recherches qui lui avaient permis de montrer « qu’il y avait autrefois des officiers municipaux. J’en ai fait l’hommage a mes concitoyens « . Sa générosité est même allée jusqu’à offrir au moment des cahiers « le fruit de mes réflexions sur ce nouvel ordre de choses »

   

5-Cette situation avait assez  naturellement débouché sur un affrontement aux élections aux Etats généraux : clairement les deux partis évoquent cette situation et Madailhac lui-même la tentative d’ostracisme  à son encontre :Lors de l’assemblée pour la députation à Périgueux, ils s’imaginèrent d’alléguer pour m’en exclure  que la confiance particulière dont m’ont toujours honoré les meilleures maisons de ce canton du Périgord : j’étais trop lié, ne cessaient-ils de répéter avec la noblesse pour ne devoir pas être suspect au tiers

 

          On a donc bien, au-delà de l’affrontement social une culture et une idéologie radicalement opposées : d’un côté un homme de rupture Lambert qui affirme la volonté d’installer une institution radicalement nouvelle  , commune  rassemblant  le peuple en armes en permanence mobilisé contre la menace de complot aristocrate . De ce point de vue s’il est difficile de faire de la Grande Peur un complot aristocrate c’est bien ainsi qu’elle est après coup interprétée et justifie  ce qui devient désormais un des traits de la mentalité qui voit la révolution  sous la menace permanente de ce qu’on appelera bientôt la contre révolution. Autre sujet clivant : la taxation  (c’est à dire la règlementation des prix) des des denrées pour laquelle opte le clan Lambert contre  la  libre circulation des grains. C’est un peu avant l’heure la conception montagnarde du pouvoir. En face le clan de la « transition modérée qui réclame en permanence le respect d’une certaine légalité…révolutionnaire et défend une fraternité « bourgeoise » telle que nous la rencontrons chez un Maleville.

 

 

II-L’AFFRONTEMENT (septembre novembre)

    Entre les deux partis , l’affrontement eut différentes phases.

1- les registres du conseil des communes portent la trace d’une plainte du comité de Mussidan contre Madaillac qui aurait refusé de participer à la patrouille en septembre. Le conseil des communes s’est, on l’a vu institué juge de ce type de situation. On note aussi, le 17, la réception du mémoire justificatif qui semble avoir a la fois convaincu le conseil  qui cette fois décide de désigner un commissaire pour enquête. Or ce mémoire est une attaque en règle contre les nouvelles institutions

»Je faisais remarquer  que n’ayant pas de municipalité, notre milice n’était pas constituée a défaut du serment requis ne pouvant être prêté qu’en présence des représentants de la commune (Note : je n’avais pas alors bien présent l’arrêté de l’assemblée du 10 aout et l’ordonnance du roi du 11 et l’exemple des milices voisines qui avaient prêté le serment à la municipalité en vertu de   cette loi)). J’en conclus à la nécessité du rétablissement de notre municipalité car nous en avions eu une autrefois…Je fus traité de perturbateur du repos public et menacé d’éprouver toute la sévérité du pouvoir. 

2-On entre, à partir du 27 septembre dans une phase de crise : le conseil de guerre envoie à Madailhac une proposition de médiation s’il revient »moyennant quoi tout sera oublié » sur ses propos. Or Madailhac prend  la patrouille porteuse de l’offre comme…une tentative d’assassinat. Du coup, le 30 septembre,  en réponse, le Comité des Lambert, dresse contre Madailhac  procès verbal et convocation du conseil de guerre  qui  réunit le 4 octobre (B 834):  sous la présidence de Lambert  le  « corps et conseil militaire et patriotique de Mussidan » a l’effet de juger le sieur Madaillac  « perturbateur du repos public , calomniateur du régiment patriotique et de sa constitution, instigateur de l’insubordination et indiscipline » »Le régiment sous les armes, son drapeau déployé. Lambert ajoute qu’on aurait aussi évoqué la taxe du pain « quoique le prix du blé n’eut pas été augmenté » ce qui pousse les intéressés à rejoindre Madailhac « Parce qu’ils étaient ses frères et parce qu’ils étaient marchands de grains ». Les principaux protagonistes déjà décrits sont présents. S’ajoute côté Madaillac , pour la première fois un noble d’une paroisse voisine, un  certain  Bruneau de Lendit. La réunion débute par la lecture de documents rappelant des règlements pris et la lecture de lettres attestant de la reconnaissance du conseil par les autorités  lettre du Comte de Fumel remerciant d’avoir été averti de la formation, « lui offrant son concours, sa satisfaction des dispositions prises par ladite milice pour la tranquillité et maintien du bon ordre. Un autre du Conseil des Communes de Px qui faisaient des offres fraternelles au corps et conseil militaire. »Après lecture de l’acte d’accusation porté contre  Madaillac suite aux faits  des  27 et du 30 septembre, peut débuter  le jugement, le réquisitoire étant prononcé par Pachot, secrétaire et capitaine de la compagnie St Georges.

Ce réquisitoire très dur provoque la défection d’un membre de la troupe de Saint Georges, le lieutenant Pommier, qui monte a la tribune pour prononcer un réquisitoire contre le comité qui reprend les propos de Madailhac. Il est présenté dans le réquisitoire de Lambert  d’une manière qui vaut d’être analysé .On le présente comme

1« le plus séditieux qu’un homme ait jamais prononcé…

2-organe des vues perfides et meurtrières d’un complot formé par les aristocrates

3-Affectant de mépriser le décret de Nos seigneurs de l’Assemblée Nationale du 10 août dernier et sanctionné le 14, a dit que nos assemblées étaient des attroupements ; que les formations  et constitution des corps étaient vicieuses…

4-Que l’on attendait journellement à la liberté des citoyens ;

5- que l’on faisait renchérir le prix du blé dans le temps de l’année où il devait être le moins cher.

6-Il a fini par crier aux armes qu’il fallait recevoir la liberté ou la mort

 

- Une grande confusion éclate à l’issue de ce discours. Elle est longuement décrite dans la plainte a à la maréchaussée. Nous savons que compte tenu de la nécessité d’entrer dans les cadres justifiant l’intervention de la maréchaussée, les accusateurs doivent invoquer le caractère séditieux des manœuvres de l’adversaire. Pour les Lambert,les frères de Madaillac  sont venus armés de pistolet et entourent Pommier qui  refuse de remettre son discours. La confusion est alors forte : on se menace avec les armes  et, l’un des  comparses des Madailhac, Leonard BERTRAND, coutelier ’tente de sonner le tocsin »mais qu’on le lui a fait quitter promptement pour empêcher l’alarme qui se serait répandue dans les campagnes » :Pour le reste, rien ne manque au tableau de ce qui a …failli se produire « Ils ont ajusté, affirme le mémoire, plusieurs officiers et allaient faire feu ce qui aurait occasionné le carnage le plus horribles si nous commandant voyant les effets terribles  que cela allait causer  et l’effusion inévitable du sang..

   Madailhac et les siens partis, « le drapeau déployé, un ban battu on a cassé d’une voix unanime les susdits officiers » Motif du complot » Formé par Madailhac et autres complices, tous suppôts et ennemis de la nation, à l’effet de mettre la dissension parmi nous, nous faire entrégorger…et empêcher les communes de jouir du fruit de la liberté et du bonheur préparés à la nation par ses représentants et le roi

.

On ne peut en rester là : on  envoie donc  un PV à la maréchaussée « pour faire exécuter les décrets de l’assemblée  nationale et déclarations du roi concernant les perturbateurs du repos public  qui  ne semble pas avoir donné suite cette fois. On s’adresse donc, une semaine plus tard au Conseil des communes qui offre sa médiation et donne jusqu’au dimanche (18) pour accepter  cette médiation sinon on renverra à l’Assemblée Nationale  Madaillac puis Lambert  soulignent  que cette offre fut refusée.

 

III-L’AFFAIRE BRUNEAU et L’INTERVENTION du CONSEIL (fin octobre début novembre)

 

     L’affaire s’élargit, fin octobre. C’est le moment ou un personnage déjà entrevu au conseil du 4 octobre, « le sieur  BRUNEAU de Landit »  est accusé d’avoir  tenté d’organiser un soulèvement des campagnes voisines. Lambert en aurait été  averti par le syndic d’une des paroisses voisines qui l’aurait incité à accroître sa surveillance. Résultat : l’interception d une lettre de Bruneau,  écrivant à MEREDIEU du TERME, gentilhomme commandant de  la paroisse de Bourgnac. Ce  petit traité de tactique politique  visait à  faire comprendre à chacun ou étaient  ses intérêt  et notamment de souligner  que  lui « qui a des relations auprès de ceux de qui dépend en quelque façon votre sort et celui de vos enfants ». Lambert y vit la conspiration de Madaillac et fit arrêter Bruneau pour « connaître tous les fils d’une trame qui s’étendait partout »de la part de ces  »émissaires infatigable de la noblesse ». Faut-il voir dans cette affaire l’origine de la présence au Conseil de Périgueux,le 28 octobre, de l’envoyé du « conseil municipal » Guionie qui y prononce des propos assez alarmants  sur « les troubles et sur la discorde  qui règnent entre la troupes du sieur Madaillac et  autres ».La réponse du conseil se borna à la proposition d’une médiation

      C’est probablement devant la mollesse de la réponse que le conseil de guerre  réuni (probablement le 29 ou le 30 octobre ) décida de l’arrestation de Bruneau et d’une adresse à la maréchaussée informant de l’emprisonnement et joignant, comme corps du délit justifiant la sanction, la fameuse lettre.. Cette démarche avait le double intérêt : pour le comité et de se couvrir et d’apporter une preuve supplémentaire à sa plainte du 4 octobre qui n’avait toujours donné lieu à aucune action de la maréchaussée.

. Bôvier garda dans cette affaire la même prudence . Il transmit au conseil des communes  qui reçut le 2  novembre « un paquet adressé par M de Bellevaux «  qui contenait la lettre annonçant l’emprisonnement de Bruneau. Le Conseil prit connaissance  et du contenu de la lettre et de l’arrêté municipal , et « ayant mûrement réfléchi »  jugeant  que la capture du Sieur  Bruneau » a été faite contre toutes les formes et règles judiciaires »,«il a prié et requis même en tant que de besoin le lieutenant  de prévôt de vouloir accorder au sieur Bruneau  sa liberté provisoire » et enjoignit  au prévôt  de «  faire toutes informations nécessaire et qu’il i avisera bon être. De son côté le conseil se chargea de l’information politique « Et comme la lecture de lad lettre annonce une conspiration  contre  le bien public , le conseil a également arrêté que ledit sieur Bruneau serait requis de lui donner copie de lad lettre pour prendre de son côté toutes les informations qui tendraient à connaître la source et la cause de ladite  conspiration et être les informations  envoyée à l’Assemblée  nationale

     Le partage des tâches paraît aussi clair que la subordination de la maréchaussée. Mais la confiance ne régnait que moyennement : le surlendemain, 4 novembre , alors que Lambert dénonce le fait « que la prévôté ait ouvert les prisons , en sorte que deux jours après son arrêtement il (Bruneau de Landit) reparut à Mussidan armé d’un fusil à deux coups et se promena partout comme pour braver le régiment qui l’avait capturé. », le Conseil croyait nécessaire de délibérer à nouveau  et de faire vérifier l’exécution de sa décision : « Et à l’instant, un membre ayant rappelé à l’ordre pour délibérer sur l’arrêté pris le jour d’hier concernant l’affaire du sr Bruneau, il a été arrêté de nouveau qu’on nommerait deux commissaires pour se retirer devers M de Bellevaux des cet instant et y savoir de lui si le sr Bruneaiu est sorti de prison ou pourquoi il ne l’est pas et ont été nommé Lamarque et l’abbé de la Rouverade ». On notera surtout que cette affaire est l’occasion de la création d’un comité secret des recherches sur le modèle du comité des recherches de l’assemblée nationale.

    Furieux, Lambert indique avoir découvert le 4 une autre lettre, plus sibylline encore que la première déclarant que « son style énigmatique est cependant assez clair ». Surtout pour lui ,l’inaction de la prévôté enhardit toutes les audaces qui se traduisent  par la multiplication des assemblées nocturnes.  Une nouvelle fois il en appelle le 11 au Conseil des communes où l’on note que le conseil reçoit une délégation du conseil militaire  de Mussidan. Une nouvelle fois il garde ses distances et « invite de nouveau les citoyens de cette ville à accepter sa médiation »

III-LA CHUTE DE LAMBERT

Privé du soutien de ses deux anciens alliés, Lambert estimant qu« il pouvait en résulter une espèce de guerre civile, le conseil municipal et militaire fut réuni ». Cette réunion   avait pour objet l’application de la loi martiale sanctionné depuis 3 semaines à Paris et depuis 2 semaines publiée à Bordeaux notre capitale On doit donc être à la mi-novembre. Notons au passage le « notre capitale » pour Bordeaux, quand Périgueux n’est même pas mentionné. Autre version aussi du problème de l’acheminement des décrets. Le conseil n’en publie pas moins.

Or le syndic , le père du « séditieux Pommier «  note Lambert  « et toujours fâché de l’incident du 4, refuse .

On décide donc de passer outre : le syndic envoie un huissier au commandant à la tête de ses troupes. On  passe  encore outre. D’où évidemment la montée de la tension de ce que Lambert qualifie à partir de la de « groupe de 15 »

     Les demandes d’intervention auprès de Périgueux se poursuivent dans des conditions assez confuses. D’un coté le syndic se plaint de ce que les officiers municipaux aient été totalement dépouillés de leurs fonctions. De son côté Lambert évoque ce nouveau recours  »Le comité de Périgueux où règne un peu trop l’esprit aristocratique offensé d’ailleurs de ce que les séditieux ayant réclamé son intervention nous n’ayons pu ni voulu l’accepter enchaînait secrètement le tribunal

    Ainsi une nouvelle fois dépourvu, Lambert annonce l’intention du conseil municipal, contraint et forcé d’assumer les fonctions de tribunal(Le conseil prendrait sur lui cette fonction fort douloureuse) non sans avoir obtenu l‘accord de Paris. Curieusement, cette fois, on estime que la situation permet de prendre le temps d’informer l’assemblée nationale et d’attendre qu’elle donne ce droit de rendre justice

     C’est le tournant de la situation qui pousse leurs adversaires à l’action. Le 18, »le rapporteur  de Périgueux ne pouvant se rendre à Mussidan  pour s’acquitter de sa mission est remplacé par Gilles du Roc : le recours à l’autorité militaire  eut-il pour effet de renforcer les opposants à Lambert ? En tout cas, les 19 et 20 novembre, le clan Madaillac, cette fois ouvertement   conduit  par les frères Beaupuy , organise la convocation « de la commune » , avec convocation de nuit, convocation portées par le syndic. Plusieurs partisans des Lambert, considérant le syndic  comme suspect auraient ainsi refusé de se rendre à la convocation. Après la formation d’un cortège conduit par Beaupuy «  prononçant hautement qu’il fallait tout hacher et se rendre à l’église st georges » selon Lambert., le 19,la prise du pouvoir de Beaupuy s’accompagne de la convocation de nouveaux soldats et de la réquisition du drapeau de la troupe de St georges. Comble de l’impudence : Bruneau ne demande-t-il pas le titre de citoyen de la ville.

L’officialisation rapportée au lendemain 20  le mémoire rend compte de la brutalité et de la duplicité de ses adversaires mais témoigne de ce que toutes les démarches officielles ont été exécutées (Ils forcèrent même le secrétaire de leur remettre les registres et papiers du corps et conseil, malgré qu’on leur répétât que vous alliez être instruit de tout : ils le méprisèrent. C’est ainsi qu’ils ont enlevé de force  le drapeau au commandant et les registres aux secrétaires. Figure en annexe le billet de Beaupuy MM de la Richardie et Choland, frères du sieur Beaupuy, lit on e, marchand de grain, marge) Bessines père et Magardeau  députés par la commune auprès de M Plaudet aîné sont chargés de lui faire part des différents arrêtés qui viennent d’être pris pour le rétablissement du bon ordre et le requérir à remettre sur le champ le registre et autres papiers. Signé Beaupuy , président et Pontard secrétaire

     Un nouvel ordre s’installe alors à Mussidan : plus de patrouilles et la liberté des grains proclamée provoquant les  vives critiques de Lambert Ils ont envoyé dans les campagnes crier qu’on pouvait vendre les denrées aussi cher qu’on voudrait et que tout était libre. C’est sous ce mot apparent de liberté que tenant, eux seuls entre leurs mains tout le blé du canton, ils y mettront le prix arbitraire qu’ils  voudront ,égorgeront le peuple par une misère inévitable

    Bilan de Lambert « Au milieu des séditions, des complots, nous sommes allés sans nous détourner jamais du grand but de la chose publique, que nul acte de violence n’a souillé nos mains. Nous avons été modérés jusqu’à être pusillanimes. 

     D’où l’appel à l’assemblée »Hâtez vous de nous rendre nos municipalités, de nous délivrer  de ces justices seigneuriales

De son côté, le 20, Périgueux  faisait semblant de se retirer d’une situation au dessus de son pouvoir  : la délibération du conseil porte que « Monsieur le rapporteur estimant que Conseil de Périgueux n’a pas qualité pour aller faire une information à Mussidan, il est décidé qu’il serait plus prudent d »écrire à nos seigneurs de l’assemblée nationale ».

 

 

 

 

BILAN.

Dans cette affaire on notera entre autre le comportement de la maréchaussée et du Conseil. Là ou Lambert avait obtenu un accord du grand prévôt, il n’obtint aucun secours de Bôvier . Se plaignant dans son mémoire à l’assemblée du refus réitéré du lieutenant, il en conclut :

« Le séditions clandestinement préparées par l’aristocratie se consomment  par les mains de nos propres frères, avec d’autant plus d’impunité que le tribunal auquel vous avez enjoint de livrer les perturbateurs du repos public, craignant sans doute d’être obligés de punir ce que peut-être ils ne désapprouvent pas refuse sous de vains prétextes de procéder et d’instruire.

   Il y a , au moment où l’affrontement avec le conseil des communes est fort, la volonté de se mêler d’une affaire trouble. De son côté le conseil semblait surveiller tout particulièrement la maréchaussée dans cette affaire.

    Il est tout aussi certain que le Conseil des communes  agit avec beaucoup d’hésitations dans cette affaire. Il donne  bien le sentiment surtout de peiner à maîtriser cette affaire et de rechercher de véritables outils d’intervention comme le montre la création d’un comité secret des recherches. Il n’est pas impossible pourtant que la présence de Beaupuy  ait au fond conduit à la solution du 19 novembre à laquelle les mutins furent encouragés. Ce nouveau comité contrôla la situation jusqu’aux élections municipales comme l’atteste l’envoi en décembre d’une délibération signée par Beaupuy Force et faiblesse du conseil des communes…  

 

 

 



23/01/2012

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